claude-r P'titNinin
Messages : 67 Date d'inscription : 31/01/2010 Age : 81 Localisation : un ch'ti à Loudun
| Sujet: Rouges-gorges 20.07.10 12:15 | |
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Sylvestre Ninin
Messages : 205 Date d'inscription : 22/01/2010 Age : 66 Localisation : Haute-Savoie
| Sujet: Re: Rouges-gorges 21.07.10 0:43 | |
| Superbes photos Claude! C'est vrai que les rouges- gorges sont des passereaux des plus apprivoisables. Et ta petite histoire de cette couvée est vraiment charmante. J'adore les oiseaux et les animaux en général. J'ai quand même un peu de mal avec les reptiles
Je pose un écrit d'un certain Firmin, trouvé sur le net, à propos de rouge gorge, je trouve cette histoire chargée d'amour et de symboles
Un oiseau dans la main Avez-vous déjà apprivoisé un oiseau ? Souvent, je me dis que cet exercice devrait figurer au programme de toutes les écoles. On dit parfois que, pour être un homme, il faut avoir fait un enfant, écrit un livre et planté un arbre. En réalité, je crois qu'il faut aussi avoir apprivoisé un oiseau.
Konrad Lorenz écrivait que ce qui l'avait le plus aidé dans son travail d'observation des animaux, c'était sa paresse. Car pour vivre au rythme des oies, il devait rester de longues heures sans rien faire d'autre qu'observer. Apprivoiser un oiseau apprend à apprivoiser les hommes, et apprend surtout beaucoup sur soi-même. Peut-être est-ce parce que cet exercice oblige à rester silencieux et immobile qu'il est aussi précieux. Dans un monde où les enfants n'ont plus ce droit sacré à la paresse, où leurs journées ne leur permettent plus de " perdre leur temps ", le nez au ciel, on devrait apprendre ça dans toutes les écoles.
Je l'ai fait, il y a de nombreuses années, avec un rouge-gorge. Ayant remarqué qu'un petit mâle m'observait tous les jours dans mon potager, j'ai eu l'idée d'essayer de lui proposer des asticots de pêche. Commença alors un jeu de très grande patience, un pari un peu fou. Cet oiseau n'avait aucunement besoin de moi pour trouver de quoi manger, et je ne représentais pour lui qu'un danger. Pourtant, la curiosité le faisait me surveiller de loin. Je m'asseyais sur une chaise, au beau milieu de mes planches de légumes, et j'attendais, un asticot posé au creux de ma main. Bien sûr, il ne faut pas bouger. Les séances duraient entre 30 minutes et une heure. Il ne s'est rien passé pendant trois ou quatre jours. Rien de visible en tout cas. Puis, au moment où je l'attendais le moins, perdu dans mes pensées, je me suis aperçu que l'oiseau s'était perché sur une branche au-dessus de moi pour mieux voir ce que contenait ma main. Après de longues heures passées ensemble, des jours de découverte réciproque, il est enfin venu. Le premier contact avec ses pattes, posées sur le bout des doigts, surprend et ravit. Puis le premier coup de bec, précis, rapide, et l'oiseau s'envole, n'en revenant sans doute pas de sa propre audace. J'ai continué longtemps, et cet oiseau et moi avons eu nos habitudes pendant des mois. Il m'accompagnait dans mes séances de jardinage, toujours à proximité, familier. Comment comprendre ça ?
Qui n'a pas connu une telle aventure a manqué quelque chose. Ce travail sur soi, ce silence que l'on s'impose, le refus de tout ce bruit que nous faisons pour oublier ce qui nous effraie, ce face-à-face forcé avec soi-même. Et puis surtout, le respect absolu de l'autre. De la même façon qu'on ne fait pas pousser l'herbe en tirant dessus, on n'oblige pas l'oiseau à venir. On le laisse venir. En réalité, on ne fait que supprimer tout ce qui pourrait l'empêcher de venir. Je crois qu'il en va de même avec l'amour. Christian Bobin a écrit un jour que " aimer, c'est passer outre à l'empêchement d'aimer ". Élever un enfant, c'est un peu pareil. Les enfants sont des machines à grandir, et une grande part de l'éducation, c'est de dégager de leur chemin ce qui peut les en empêcher. C'est souvent l'éducation qui empêche les enfants de vraiment devenir adultes. Qui n'a pas vécu cette expérience d'apprivoisement ne sait pas apprivoiser les hommes. Car savoir écouter, faire de la place aux autres relève du même exercice.
Il y a les gens qui attrapent les oiseaux, les piègent, et ceux qui les laissent venir. Il y a ceux qui contraignent et ceux qui respectent. Nous sommes tous des voleurs d'amour. Nous pensons tous que, n'étant pas dignes d'être aimés, il va nous falloir forcer la porte. Et, un jour, un oiseau vient de lui-même, pour un misérable asticot alors que le jardin en regorge. Il risque sa vie pour la rencontre.
Apprivoiser un oiseau, ça fait réfléchir. | |
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